L'industrie pharmaceutique est l'un des secteurs les plus réglementés au monde. De la recherche d'un nouveau médicament jusqu'à sa commercialisation, chaque étape doit respecter des règles strictes posées par les autorités de santé pour garantir la sécurité et l'efficacité des produits (Agence Européenne des Médicaments [EMA], 2023). De plus, chaque pays et chaque institution disposent de leurs propres règles et exigences, ce qui complexifie encore le respect de la conformité. Ces exigences forment ce qu'on appelle la conformité pharmaceutique.
Ces dernières années, l'émergence de l'automatisation et de l'intelligence artificielle (IA) suscite un grand intérêt : et si certaines tâches de conformité pouvaient être automatisées? Et si nous pouvions accélérer nos processus de la même manière que l'automatisation des usines a permis d'augmenter considérablement leur production, cela promettrait des gains de temps et de fiabilité, mais entraînerait aussi des interrogations sur les risques associés.
Qu'est-ce que la conformité ?
Dans le domaine du médicament, la conformité regroupe les obligations que doivent respecter les entreprises : bonne fabrication, contrôles rigoureux, encadrement de la promotion des produits, traçabilité des essais cliniques, pharmacovigilance, etc. (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé [ANSM], 2023). Ces règles visent à protéger les patients tout en assurant que les produits mis sur le marché soient sûrs, efficaces et bien utilisés. Par exemple, en France, toute publicité pour un médicament doit être validée par l'ANSM, pour s'assurer qu'elle est claire, honnête, et conforme aux indications autorisées (ANSM, 2023).
Pourquoi automatiser ces processus ?
L'automatisation peut apporter plusieurs bénéfices majeurs :
- Gagner du temps: des logiciels peuvent analyser des centaines de pages en quelques minutes.
- Réduire les erreurs humaines : en standardisant les vérifications, on évite les oublis ou les approximations (Gartner, 2022).
- Libérer du temps pour les experts : ceux-ci peuvent se concentrer sur les cas complexes ou stratégiques.
- Surveiller en continu : les outils peuvent détecter automatiquement les écarts ou les changements réglementaires (EMA, 2023).
- Faciliter les audits : chaque action peut être tracée et documentée.
L'EMA reconnaît que l'IA peut aider à traiter plus rapidement de grands volumes de données, ce qui permettrait de mettre les médicaments sur le marché plus rapidement, sans renoncer à la sécurité (EMA, 2023).
Quelles limites et quels risques?
L'automatisation ne doit pas remplacer les professionnels de la santé et de la conformité. Voici les principales limites à garder en tête:
- Les biais : si un algorithme est formé sur des données incomplètes, il peut se tromper ou être injuste (CNIL, 2023).
- La perte de contrôle humain : il ne faut pas tout laisser faire à la machine. Le RGPD interdit les décisions purement automatisées si elles ont un impact fort sur une personne (CNIL, 2024).
- Le manque de contexte médical : un logiciel ne comprend pas toujours la subtilité d'un document scientifique. Il peut rejeter ou approuver un contenu à tort.
- La qualité des données : si les données analysées sont erronées ou obsolètes, les résultats seront faux.
- La sécurité des données : automatiser implique de manipuler beaucoup d'informations sensibles. La sécurité informatique doit être renforcée pour éviter toute fuite (Gartner, 2022). Par ailleurs, l'automatisation et l'IA peuvent aussi faciliter la diffusion de fausses publications scientifiques, qu'elles soient générées de manière intentionnelle ou par erreur, compromettant ainsi la fiabilité des preuves utilisées dans les décisions médicales (Else, 2023).
Ce qu'il faut retenir
L'automatisation de la conformité pharmaceutique ouvre des perspectives pour simplifier les procédures, gagner en efficacité et mieux répondre aux exigences réglementaires. Mais elle doit être utilisée avec discernement. La supervision humaine reste indispensable, et chaque outil doit être testé, encadré, et constamment amélioré.
Pour les entreprises de santé, le bon usage de l'automatisation est une opportunité : non pas de se désengager de leurs responsabilités, mais au contraire de les renforcer, grâce à des outils mieux adaptés aux défis actuels.